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jeudi 6 janvier 2011

Le Gage avec Dépossession.

Texte applicables.- Les règles générales du gage commercial sont données par les articles 91, 92 et 93 du Code de commerce, dont la rédaction est due à la loi du 23 mai 1863. Des retouches ont été apportées à ces articles par le décret-loi du 31 août 1937 et l'ordonnance du 18 octobre 1945.
Le cas spécial du gage (warrant) constitué sur les marchandises déposées dans les magasins généraux est réglé par l'ordonnance du 6 août 1945 (remplaçant la loi du 28 mai 1858) sur les magasins généraux (retouchée par décret-loi du 30 septembre 1953) et le décret du 6 août 1945.

§ 1. Règles Générales du Gage Commercial.

Notion de gage commercial.- Le gage commercial obeït, en principe, aux règles du Code civil, sauf sur les points sur lesquels la loi du 23 mai 1863 pose des règles spéciales.
Ces points concernent la preuve du gage, les modalités de la dépossession dans certains cas particuliers, la réalisation du gage.
Dans quels cas le gage est-il commercial ? L'article 91 al.1 réputé tel "le gage constitué soit par un commerçant, soit par un individu non commerçant, pour un acte de commerce".
Le gage est donc commercial lorsque la dette, à la sûreté de laquelle est affecté le gage, est un acte de commerce à l'égard du débiteur. Et, dans ce cas, les règles commerciales s'appliquent même à l'égard du créancier à l'égard duquel l'acte n'est pas commercial (v.n° 48, 2°), même à l'égard des tiers.

I. Constitution du gage.

Preuve du gage.- Le gage civil doit être prouvé par écrit, conformément aux règles générales des contrats civils. Le gage commercial (art. 91, al.7) "se constate... conformément aux dispositions de l'article 109 du Code de commerce".
La preuve est donc libre, conformément à la règle générale applicable aux contrats commerciaux (v.n° 419). En pratique, cependant, le plus souvent un écrit sera dressé, ou du moins des lettres échangées.

Dépossession du débiteur.- Conformément aux règles du Code civil, le gage implique que le débiteur est dépossédé du bien remis en gage, soit que le bien soit mis en la possession du créancier soit qu'il soit remis à un tiers convenu entre les parties (art. 92, al. 7).
Néanmoins, le Code de commerce et des textes spéciaux posent certaines règles pour des cas particuliers :

S'il est remis au créancier un titre représentant la marchandise, notamment un connaissement (titre de transport maritime), le créancier est censé avoir la possession des marchandises : nombreuses opérations de crédit documentaire sont fondées sur le gage réalisé par remise de ce connaissement (v. n°s 436 et 527).

Pour les titres négociables, le Code de commerce (art. 91, al. 2 à 4, mod. par décret-loi du 25 août 1937 détermine comment se réalise la mise en possession : pour les titres nominatifs, il y a lieu à transfert de garantie (v. n° 321, in fine), pour les titres à ordre, endossement pignoratif (v. n° 523).
Pour les créances civiles, il faut suivre les règles du Code civil (art. 91, al. 5). Quant aux titres au porteur, qui sont considérés comme meuble corporels, la dépossession se fait par remise matérielle au créancier. Les actions en SICOVAM peuvent aussi être mises en gage, elles sont considérées comme en la possession de l'établissement qui les a reçues pour les déposer à SICOVAM, la SICOVAM étant dépositaire pour leur compte. Les avances sur titres sont fréquemment consenties par les banquiers.

Pour les marchés de travaux publics, le Code des marchés publics, article 187 et suivants, pose des règles spéciales. Les entrepreneurs qui se font faire des avances pour financer les travaux qu'ils font en exécution d'un marché public, donnent très fréquemment en nantissement le marché. Le Code des marchés publics règles les modalités de ce nantissement.
L'acte de nantissement est signifié au comptable chargé du paiement et un exemplaire et unique du marché lui est remis.

II - Réalisation du gage.

Procèdure spéciale.- En droit civil, le créancier ne peut faire vendre le meuble, remis en gage qu'en vertu d'un jugement. Cette procèdure était incompatible avec les besoins de rapidité du commerce. L'article 93 C .com
prévoit qu'à défaut de payement à l'échéance le créancier peut, huit jours après une simple signification faite au débiteur, faire procéder à la vente publique des objets donnés en gage. Aucune intervention de la justice n'est nécessaire.
Comme en droit civil, est nul le pacte commissoire, c'est-à-dire la convention permettant au créancier, à défaut de paiement, s'approprier le gage sans suivre la procèdure légale.
Mais la Cour de cassation a formellement admis que le créancier puisse, conformément à l'article 2078, al.1
faire ordonner par justice que le gage lui demeurera en paiement et jusqu'à due concurrence, d'après une estimation faite par expert (arrêt du 30 mai 1960).
Le gage est opposable au règlement judiciaire ou à la liquidation des biens (v. n°s 657).

§ 2 - Règles spéciales au warrantage des marchandises déposées dans un magasin général.

Les magasins généraux. - Les magasins généraux sont des entreprises privées, mais qui ne peuvent être créees qu'avec une autorisation préfectorale. Ils étaient régis par une loi du 28 mai 1858, remplacée par l'ordonnance du 6 août 1945. Ces magasins généraux reçoivent en dépôt, généralement des commerçants (mais aussi des artisans et des agriculteurs), matières premières, des marchandises, des denrées ou des produits fabriqués. Bien situés, pourvus de vastes installations, bien outillés. Ils rendent de grands services. Ils remettent en échange des biens déposés, des bulletins appelés récépissés (permettant la vente par endossement du récépissé, v. n°s 472) et des bulletins appelés warrants (permettant le gage par endossement du warrant). Ce gage est un gage avec dépossession, le tiers convenu entre les parties qui reçoit l'objet du gage étant le magasin général.

I - Constitution du gage.

Endossement du warrant. - Le gage sur les marchandises déposées dans les magasins généraux se constitue par endossement d'un bulletin de gage, du warrant, au bénéfice du créancier. Le warrant est un billet à ordre portant promesse de payer une certaine somme, à une certaine échéance. Il constitue, en outre, nantissement au profit du créancier sur les marchandises déposées. Le warrant porte les nom, profession et domicile du déposant, ainsi que la nature de la marchadise et les indications propres à en établir l'identité et à en déterminer la valeur (ordonnance du 6 août 1945, art. 20, al. 1). Le droit du créancier gagiste porte sur les marchandises de même nature, de même espèce et de même qualité qui pourraient (le warrant doit en faire mention) leur être substituées (ord.6 août 1945, art 20 al. 2 et suiv., mod. par décret-loi du 30 sept. 1953). Le premier endossement du warrant doit être transcrit sur les régistres du magasin général. Le warrant peut ensuite être plusieurs fois endossé, l'endossataire bénéficiant des droits attachés au warrant.

II - Droit du porteur du warrant.

Paiement du warrant.- A l'échéance, le créancier présente le warrant au paiement. S'il est payé, la créance est éteinte et le gage disparaît.

Cas d'endossement du récépissé. Un autre mode de paiement est possible, par l'acquéreur de la marchandise. Si, en effet, le déposant, entre temps, vend la marchandise engagée, par endossement du récépissé, l'acquéreur (qui connaît l'existence du warrant par le régistre du magasin général) ne verse naturellement le prix au vendeur que déduction faite de la somme garantie par le warrant. Cette somme garantie, il peut la verser à l'endossataire du warrant s'il le connaît ; à défaut il la consigne auprès de l'administration du magasin général où, sur les indications du souscripteur, le porteur la trouvera à l'échéance (ordonnance du 6 août 1945, art 26).

Défaut de paiement. Réalisation du gage.- Si à l'échéance le porteur du warrant n'est pas payé par le débiteur (ni par un endossataire du récépissé). Il fait dresser protêt (sur cette formalité, v. n°s 536). Et, huit jours après, sans formalité de justice, il fait procèder à la vente aux enchères de la marchandise engagée, pour se payer par préférence sur le prix.

Le Gage sans Dépossession.

Généralités.- Dans bien des cas, il est pratiquement impossible au débiteur de se dépossèder du bien qu'il voudrait remettre en gage. Divers textes sont venus autoriser le gage sans dépossession, la dépossession étant remplacée par une publicité. Ce gage différe du gage ordinaire en ce qu'il n' y a pas dépossession. Mais il différe de l'hypotèque en ce que le débiteur n'a pas le droit d'aliéner et en ce que le créancier n'a généralement pas le droit de suite. Ce gage n'est d'ailleurs pas sans danger pour le créancier, le débiteur, resté en possession, pouvant détourner l'objet du gage : des sanctions pénales sont généralement prévus en pareil cas.

Divers cas de gage sans dépossession. On peut citer :

Le warrant hôtelier, qui permet à l'hôtelier de donner en gage le matériel de son hôtel par inscription au greffe du tribunal de commerce (loi du 8 août 1913, mod. par la loi du 11 mars 1915) L'institution n'a eu aucun succès.

Le warrant pétrolier, qui permet aux importateurs de pétrole de le donner en gagege par inscription au greffe du tribunal de commerce (loi du 21 avril 1932).

Le warrant industriel qui, en principe à titre temporaire, permet à des industriels de donner en gage par inscription au greffe du tribunal de commerce, les produits de certaines fabrications agréees (loi du 12 septembre 1940, modifiée et prorogée à diverses reprises).

Le nantissement des films cinématographiques (qui est d'ailleurs une véritable hypothèque) constitué par une inscription sur le régistre public de la cinématographie (Code de l'industrie cinématographique, art. 31 et suiv.

5° Le gage sur automobiles.

Le nantissement du matériel d'équipement.

Seuls ces deux derniers gages méritent une étude plus détaillée, étant d'emploi courant.
Quant au nantissement des fonds de commerce. Il a déjà été étudié (v. n°s 162 et suiv.) Comortant droit d'aliéner pour le débiteur et droit de suite pour le créancier, il n'est d'ailleurs pas un gage, mais une véritable hypothèque (n°s 162).

§ 1. - Le gage sur véhicule automobiles.

Généralités.- Pour faciliter la vente à crédit des véhicules automobiles, la loi du 29 décembre 1934 avait permis la constitution d'un gage sans dépossession. Cette loi a été remplacée par un décret-loi du 30 septembre 1953. Cette sûreté est extrêmement utilisée.

1. - Constitution du gage.

Conditions de validité - Le gage peut être constitué au profit du vendeur du véhicule automobilie (et aussi des tracteurs agricoles et des remorques) ou au profit de celui qui prète les fonds pour acheter (ce qui est le cas le  plus fréquent : v. n°s 446). Le gage doit être constitué par un acte écrit et enregistré (décret du 30 septembre 1953, art. 2). Il doit être mentionné sur un régistre tenu par la préfecture qui a délivré le récépissé de déclaration de mise en circulation du véhicule (carte grise). La mention au régistre conserve le gage pendant cinq ans. Elle doit être renouvelée une fois (décret du 30 septembre 1953, art. 2).

II - Droits du créancier gagiste.

Droit de préférence.- Le créancier a sur le véhicule automobile les droits d'un créancier gagiste. Ses droits sont opposables au règlement judiciaire (ou à la liquidation des biens), si le privilège a été inscrit avant le jugement déclaratif v. n°s 661.

Les droits du créancier sur le prix de vente du  véhicule, à défaut de paiement et particulièrement en cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens du débiteur, avaient donné lieu à des difficultés, notamment en raison du conflit avec le Trésor. Mais le créancier gagiste a vu sa situation très améliorée par loi du 13 juillet 1967 qui a décidé qu'au cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, son privilége prime toute autre créance (v. n°s 657).

Il peut d'ailleurs, comme le gagiste avec dépossession (v. supra n°s 468), se faire autoriser par justice à conserver le véhicule en paiement, sur estimation par expert.

Aliénation par le débiteur.- Le contrat interdit toujours à l'acheteur de vendre le véhicule. Si l'acheteur détourne le véhicule objet du gage, il est passible, d'après la jurisprudence de la Cour de cassation, des peines du détournement de gage. La question de savoir si le créancier a un droit de suite est discutée : la jurisprudence tend l'admettre.

§ 2. - Le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement professionnel.

Généralités.- Pour faciliter la modernisation du matériel par l'achat à crédit, la loi du 18 janvier 1951 a permis la constitution d'un gage sans dépossession au profit des vendeurs.
Elle a été retouchée par décret-loi du 30 septembre 1953, par décret-loi du 20 mai 1955, par l'ordonnance du 24 septembre 1958 et par la loi du 19 décembre 1969.
Cette sûreté est fréquemment employée.

I. Constitution du gage.

Conditions de validité.- Le gage est possible au cas de vente à crédit de l'outillge et du matériel d'équipement professionnel : achat de machine outil par un industriel, d'une installation frigorifique par un boucher, de matériel radiologique par un médecin, etc. Le gage peut être constitué soit au profit du vendeur soit au profit du prêteur qui avance les fonds nécessaires au paiement du vendeur. Sont assimilés aux prêteurs de deniers les garants qui interviennent en qualité de caution, de donneur d'aval ou d'endosseur dans l'octroi des crédits d'équipement (loi du 19 décembre 1969). S'il y a des effets souscrits, le bénéfice du nantissement est transmis de plein droit au porteur des effets de même qu'il profite aux cautions et donneurs d'aval. Le nantissement doit êre constitué par acte écrit et enregistré, au plus tard dans les deux mois de la livraison du matériel sur les lieux où il devra être installé ; il est inscrit dans les quinze jours de sa date, à peine de nullité, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce ; si le débiteur est commerçant, on suit les règles du nantissement des fonds de commerce. L'inscription conserve le privilège pendant cinq ans.

Le nantissement ne peut être opposé aux tiers si le créancier nanti n'a pas fait mentionner en marge de l'inscription la date et le le lieu de la livraison, dans les 15 jours de l'avis qui lui est donné ou du jour où il en a connaissance (loi du 18 janvier 1951, art. 3, alinéa, 4, dû à la loi du 19 décembre 1969).

II. Droits du créancier gagiste.

Droit de préférence.- A défaut de paiement, le créancier gagiste peut faire vendre le matériel, conformément aux règles du gage commercial, pour se faire payer préférence sur le prix. Son privilège prime le privilège du fisc, le privilège ordinaire des salariés, et celui de la Sécurité sociale de même que ceux des créanciers inscrits sur le fonds, si le nantissement a été signifié à ces derniers (v. n°s 161, 4°). Il n'est primé que par le privilège des frais extraordinaires des salariés de la chose et par le privilège extraordinaire des salairiés prévu par les articles L. 143-10 et L. 143-11, Code du travail (sur ce surperprivilège, v. n°s 651, 2°). Son droit est opposable (sur ce superprivilège, v. n°s 651, 2°). Son droit est opposable au règlement judiciaire (ou à la liquidation des biens) si l'inscription a été prise avant le jugement déclaratif (v. n°s 657).

Aliénation par le débiteur.- Il est interdit au débiteur, sauf autorisation du créancier ou de justice, d'aliéner le bien grévé; s'il le fait néanmoins, il est passible des peines de l'abus de confiance. Le créancier n'a pas, en principe, de droit de suite : il en serait autrement si le bien avait été revêtu d'une plaque fixée à demeure mentionnant la mise en gage.